Tuesday, October 24, 2006

Femmes en Iran

Mieux vaut tard que jamais, j'ai enfin lu la saga de 4 BD de Marjane Satrapi, Persepolis, dans laquelle elle retrace l'histoire de l'Iran a travers le prisme de sa propre experience, en tant qu'enfant soudain recouverte d'un voile noir, adolescente troublee en proie a une crise d'identite et femme en butte contre la repression mysogine d'un regime fondamentaliste qui se pose en precurseur de cette autre repression extreme jusqu'a l'absurde imposee par les taliban en Afghanistan avant l'invasion americaine.

Satrapi continue son exploration de la condition feminine en Iran dans Broderies, une attachante ode d'amour aux femmes de sa famille et a leur courage, leur humour et leur grace sous la repression. Enfin, son Poulet aux prunes offre un conte infiniment emouvant et tendre qui nous plonge dans la psychee intime d'un de ses oncles, grand musicien dont la vie et la mort sont marquees par un amour contrarie, l'histoire la plus universelle qui soit magnifiee sous le trait de Satrapi.

Au hasard des etageres de ma bibliotheque, je suis tombee sur Lire Lolita a Teheran d'Azar Nafisi, parfaite excuse pour continuer mon exploration sur la vie des femmes iraniennes. Ce livre commence comme une sorte de memoires d'une enseignante de litterature en Iran, mele a des reflexions passionnees et pertinentes sur les oeuvres de Scott Fitzgerald, Henry James ou Jane Austen. Puis il evolue en recit plus personnel de sa vie et de celle de ses etudiantes, en particulier celles qui viennent chez elle dans le cadre d'un club de lecture clandestin baptise avec humour les "amies de Jane (Austen)".

Le rapport entre individu et societe sert de toile de fond a un recit dans lequel l'auteur dresse de beaux portraits de femmes. Elle rend hommage a l'integrite et au courage de celles qui resistent tout en vibrant d'indignation lorsque l'usure quotidienne exercee par le regime iranien finit par briser quelque chose en elles. Nafisi ecrit avec respect, intelligence et nuance, afin d'eviter de tomber dans la facilite. Ainsi, elle veille a pointer les defauts de la societe occidentale, revee en modele de vie ideal par l'une de ses etudiantes, mais elle souligne egalement la souffrance d'une autre de ses etudiantes, profondement religieuse, devant la maniere dont sa decision de porter le voile se retrouve vide de son sens lorsque le regime rend son port obligatoire. Car comment sa decision, porteuse d'un engagement personnel et moral, garderait-elle toute sa valeur lorsque le port du voile est impose a toutes les femmes qui doivent s'y plier, que cela corresponde a leur choix ou non?

En refermant ce cycle iranien, j'ai ressenti une fois encore a quel point la fiction (et l'art de maniere plus generale) est inestimable lorsqu'elle permet de rapprocher, de faire comprendre et de susciter l'empathie pour des vies si eloignees de la notre, en leur donnant chair et ame.

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